[Paroles d’élus] Daniel Barbe, maire de Blasimon (Gironde) : “L’agrivoltaïsme, c’est d’abord un projet agricole avant d’être un projet énergétique”

Maire de Blasimon depuis 2008, Daniel Barbe préside également la communauté de communes rurales de l’Entre-deux-Mers depuis juillet 2020. Président des Maires Ruraux de Gironde depuis 2014 et vice-président national de l’association depuis 2020, il connaît intimement les réalités de la ruralité et du monde agricole.

Sa commune, Blasimon, compte près de 1 000 habitants pour 2 976 hectares. « C’est une vaste commune, très agricole, dominée par la vigne. On est dans un territoire à faible densité, sans grands axes ni lignes ferroviaires, au cœur de l’Entre-deux-Mers », explique-t-il.
Un territoire de paysages vallonnés, de plateaux et de vallées, où chaque projet doit composer avec un patrimoine naturel et humain fort.

Un territoire prêt à accueillir des projets innovants

Daniel Barbe ne cache pas son intérêt pour les énergies renouvelables. « On dit tous qu’il en faut, mais personne n’en veut devant chez soi. J’ai compris assez tôt que, face à la crise agricole, et viticole en particulier, ces projets seraient forcément amenés à se présenter. »

Les premiers contacts se font généralement « en binôme » — agriculteur et développeur — venus exposer leur projet. « Dès la première rencontre, on sent s’ils sont sérieux, s’il y a une vraie vision derrière. »

Ce qui le décide à soutenir ou non un projet ? Deux critères essentiels : l’impact paysager et le projet agricole sous-jacent.
« Il faut être lucide : il y a toujours une dégradation du paysage. La question, c’est jusqu’où on peut la soutenir. On regarde le lieu, l’environnement, la proximité de monuments historiques ou de zones habitées. » Et surtout : « Ce qui compte, c’est le projet agricole. L’agrivoltaïsme, ce n’est pas des panneaux, c’est un projet agricole. Si ça aide à la transition, à l’installation, à la diversification, alors oui, ça a du sens. »

Dialogue, transparence et concertation

Les échanges avec les développeurs sont, selon lui, globalement positifs. « Ce sont souvent des équipes jeunes, compétentes, issues à la fois du monde agricole et de l’énergie. Ils ont envie que ça marche. » Mais la concertation reste essentielle. Les habitants sont vite au courant. Avant même qu’on ait fait une réunion, ils viennent poser des questions. Alors je joue la transparence. Je leur dis ce que je sais, ce que j’en pense, et j’encourage les développeurs à aller les rencontrer. »

Cette approche pragmatique vise à prévenir les crispations et à maintenir la confiance :« On n’est pas là pour bloquer les projets, mais pour les encadrer. Il faut que tout le monde soit entendu, même ceux qui sont contre. »

Des retombées à la fois agricoles et économiques

Pour Daniel Barbe, les bénéfices d’un projet agrivoltaïque ne se limitent pas à la fiscalité. « Il y a deux aspects : la stabilisation agricole et la valeur ajoutée locale. » Il insiste : « L’agriculteur doit vivre de son métier, pas de ses panneaux. L’agrivoltaïsme doit être un levier, pas une fin en soi. »

Sur le plan fiscal, il appelle à la prudence : « Oui, il y aura des recettes nouvelles pour les communes et les intercommunalités, mais la dotation de l’État pourrait être partiellement écrêtée. Il faut bien l’expliquer aux élus. »

Pour garantir un retour local des retombées économiques, trois communautés de communes de Gironde ont créé ensemble une structure associative chargée de redistribuer la valeur sur le territoire : « Les fonds récoltés doivent servir à soutenir la diversification agricole, l’achat de matériel ou des projets structurants — par exemple, un abattoir local ou des filières de commercialisation. Ce qui est produit ici doit bénéficier à ceux qui vivent et travaillent ici. »

Conseils aux élus : “Écouter, sans a priori, et parler d’agriculture avant tout”

Fort de son expérience, Daniel Barbe livre un conseil simple à ses collègues élus : « Il ne faut pas être pour ou contre par principe. Il faut écouter, analyser et surtout commencer par parler du projet agricole. Ensuite viennent les questions techniques, de paysage ou de raccordement. »

Et d’ajouter, lucide : « L’enjeu, c’est le partage de la valeur et la cohérence territoriale. Ceux qui n’auront pas de panneaux doivent aussi pouvoir bénéficier de cette dynamique. »

Une conviction : l’agriculture d’abord

Au-delà des chiffres et des procédures, Daniel Barbe défend une vision claire : « Le premier mot d’agrivoltaïsme, c’est agri. C’est ça qu’il faut regarder. Mettre des panneaux, tout le monde sait le faire. Mais créer un projet agricole viable, durable, ancré dans le territoire, c’est là que réside la vraie valeur.»