À Jardres, dans la Vienne, Jean-Jacques de Rouffignac, agriculteur bio depuis près de vingt ans, a choisi de miser sur l’agrivoltaïsme pour sécuriser son exploitation et préparer l’avenir. Un projet réfléchi, fondé sur la conviction que le solaire peut être un allié du monde agricole.
Un parcours pragmatique et engagé
Installé depuis 2003, Jean-Jacques cultive 130 hectares en grandes cultures biologiques. À 42 ans, ce fils d’agriculteur, formé en gestion et commerce agroalimentaire, revendique un parcours fait de passion et de pragmatisme. « J’ai choisi le bio pour retrouver un vrai lien avec l’agronomie, avec la vie du sol », explique-t-il.
Après plusieurs années à partager son temps entre la ferme et le conseil bancaire, il se consacre entièrement à l’exploitation depuis 2016. Mais la crise du bio est passée par là.
« Les prix ont été divisés par deux. Sur 130 hectares, on n’arrivait plus à sortir un revenu suffisant », confie-t-il. Refusant de renoncer à ses convictions, il s’est mis en quête d’une solution pour stabiliser son modèle.
Le solaire, un levier pour consolider le bio
Le déclic est venu d’une expérience personnelle. « Mon bâtiment solaire m’a permis de traverser deux années très difficiles. J’y ai vu un vrai levier pour consolider l’exploitation », raconte-t-il.

Accompagné par Milpa Agriculture, société engagée dans la bio-régénération des sols, il s’est tourné vers un projet d’agrivoltaïsme sur grandes cultures, en partenariat avec ib vogt. « La plupart des projets concernent l’élevage, mais je ne suis pas éleveur. Milpa avait déjà travaillé sur des modèles adaptés aux grandes cultures. C’est comme ça que le projet a pris forme », précise-t-il.
Le dispositif concernera deux parcelles irriguées situées en plaine, sans impact paysager significatif ni contrainte environnementale majeure. Objectif : installer des structures agrivoltaïques qui protègent les cultures tout en produisant de l’énergie, dans une logique d’équilibre entre production agricole et électrique.
Moderniser l’irrigation et pérenniser la ferme
Au-delà de la production d’énergie, Jean-Jacques voit dans ce projet une opportunité de moderniser ses outils.
« On va profiter du chantier pour revoir l’irrigation : un système fixe, plus précis et plus économe en eau. Avec le changement climatique, ce sera un atout essentiel », explique-t-il.
Les structures devraient aussi créer un microclimat bénéfique.
« Ces parcelles sont vastes et très ouvertes. Les panneaux vont recréer un effet de microclimat qui peut favoriser la pollinisation et limiter les coups de chaleur », ajoute-t-il.
Mais l’enjeu central reste la pérennité économique. « J’ai cinq enfants. Si un jour l’un d’eux veut reprendre, il faut que la ferme soit viable. Aujourd’hui, une exploitation de cette taille, sans revenu complémentaire, c’est devenu très difficile », souligne-t-il.
Convaincre sans imposer : la pédagogie avant tout
Conscient des réticences locales, Jean-Jacques a choisi la transparence. Trois réunions ont été nécessaires avec la municipalité avant d’obtenir un vote favorable du conseil : huit voix pour, trois contre et quatre abstentions. « Au départ, la mairie était plutôt défavorable. Il a fallu expliquer, montrer les cartes, les études, les impacts. Avec du temps et de la pédagogie, les élus ont compris que l’objectif restait la préservation de l’activité agricole », raconte-t-il.
Pour lui, la clé de l’acceptation réside dans la concertation dès l’amont :
« Un projet agrivoltaïque ne se fait pas contre un territoire, mais avec lui. »
Un comité de suivi associant plusieurs élus locaux a été mis en place.
« C’est important que la mairie se sente partie prenante du projet, pas simple spectatrice », insiste-t-il.
S’impliquer pour garder la main
« Il faut s’entourer et s’impliquer. Se lancer seul, c’est dangereux. Et si on laisse tout faire au développeur, on devient juste un bailleur de terrain », prévient Jean-Jacques. Il défend une approche équilibrée, où le projet reste au service de l’agriculture et du territoire.
« L’agrivoltaïsme doit rester un projet d’agriculteur, pas une opération financière. »
Une dynamique collective et durable
Aujourd’hui, le projet a franchi ses premières étapes administratives et techniques, et les études avancent sans blocage. « On avance bien, parce que tout le monde y croit. Ce projet va permettre de pérenniser l’activité, de réinvestir dans l’outil de production et de développer des ateliers à plus forte valeur ajoutée », se réjouit-il.
Pour lui, l’agrivoltaïsme s’inscrit dans une vision plus large : celle d’une agriculture durable, résiliente et libre. « Le solaire, c’est un outil, pas une fin en soi. C’est ce qui me permettra de continuer à faire ce métier, de le transmettre, et de rester maître de mes choix agricoles », conclut-il.